Excursion Handicap Aventure au Pravouta et aux Grottes Saint-Christophe (Chartreuse)

Christian Starck est un ami spéléologue niçois de très longue date, il est le président fondateur de l'association Handicap Aventure. Sa structure précurseuse, œuvre depuis 1990 à faire découvrir à des personnes en situation de handicap des sites qui leur sont habituellement inaccessibles, du fond des gouffres au sommet des montagnes. Il est marié à Béatrice, une femme tétraplégique qui est en partie à l'origine de son dévouement pour le champ du handicap.
En mars 2016, de passage à la maison Béa et Christian me demandent de monter avec eux une excursion en Chartreuse pour l'association. Après 2 années de préparation et une déconvenue en 2017 à cause de la météo, nous pouvons enfin mener à bien notre projet en juin 2018.
Ci-après, je vous laisse découvrir le récit de l'opération que j'ai rédigé pour la revue annuelle "Handicap Aventure", comportant néanmoins quelques variantes afin de l'adapter à cette publication en ligne.


Jeudi 7 juin, Christian et Béa arrivent chez moi au Versoud. Je les accueille une nuit afin qu'ils puissent monter le lendemain tranquillement à la Ruche à Gîter, le gîte qui va héberger l'excursion.
La soirée que nous passons ensemble est l'occasion de faire le point sur le déroulement de l'opération. La météo s'annonce très correcte pour tout le week-end même si des passages nuageux sont attendus le samedi. En revanche, petite déception du côté des effectifs des bénévoles, ils s'annoncent un peu moins nombreux que nécessaire, nous serons une vingtaine et un groupe de 30 personnes aurait été idéal, je regrette de ne pas avoir réussi à enrôler des membres du CAF Grenoble-Oisans, et ce n'est pas faute d'avoir essayé. En conséquence, à la place de la Dent de Crolles (objectif initial), il nous paraît plus raisonnable de cibler le Pravouta pour la randonnée joëlette, un sommet voisin moins élevé mais qui ne manque pas d'intérêt. Autre petit pépin, la route qui monte au Col du Coq (point de départ de la rando) est fermée sur le versant nord suite à un éboulement. En conséquence, pour se rendre sur place au lieu de traverser le plateau de la Chartreuse, nous allons devoir contourner tout le massif par l'ouest et le sud en passant par Grenoble. Enfin côté matériel, pas de souci, nous avons à notre disposition 3 joëlettes, j'ai été cherché celle du CAF Grenoble-Oisans dans l'après-midi, les 2 autres nous ont été confiées par l'Association des Paralysé de France (APF) de l'Ardèche.

Vendredi 8 juin, après ma journée de travail, je rejoins la Ruche à Gîter, l'établissement est perché à 1150 m sur le verdoyant plateau de la Ruchère au nord de la Chartreuse. J'ai sélectionné cet hébergement pour son accessibilité aux personnes en situation de handicap et sa proximité aux Grottes Saint-Christophe. Là haut, je suis accueilli par Pierre du club spéléo Garagalh et sa compagne Nathalie, des amis de Christian qui sont chargés de réaliser les images de l'expédition. Je retrouve rapidement les Starck à l'hébergement mais tout est calme pour l'instant, car les "niçois" sont attendus tard dans la nuit. Dans la soirée, je ne vois donc arriver que quelques participants, notamment Catoche (Cathy), une vieille connaissance de Christian et Béa dont j'ai beaucoup entendu parler, puis Tonio également du Garagalh que j'ai connu lors de la rando joëlette à la Montagne de l'Audibergue en septembre 2017. Il est accompagné d'Alexei, un ami biélorusse. Après le buffet, je ne tarde pas à me coucher car je tiens à être en forme pour la journée du lendemain qui s'annonce chargée, d'autant plus qu'une certaine responsabilité pèse sur mes épaules en tant que co-organisateur de l'excursion.

Samedi 9 juin, à 7 heures je descends de ma chambre pour rejoindre le réfectoire. Je découvre enfin l'ensemble de l'équipe. Je suis heureux de revoir Corinne et Camille, les personnes à mobilité réduite que nous avons montées au sommet de l'Audibergue l'année dernière (avec Béa bien entendu). Je retrouve aussi Linda et Julien du CAF de Nice que j'ai également rencontrés dans les Alpes-Maritimes. Je fais enfin connaissance des autres participants qui œuvrent pour l'Handicaf de Nice, qu'on me pardonne de ne pas mentionner le nom de tous les membres de l'équipe.

Après le petit briefing de Christian sur le déroulement de la journée (les conducteurs râlent un peu quand on leur apprend que la route va être un peu longue), nous quittons le plateau de La Ruchère. Avec ma Logan break je prends la tête du convoi pour conduire toute l'équipe au Col du Coq. Comme prévu, nous contournons tout le Massif de la Chartreuse et nous arrivons là-haut après presque 1h30 de route. Situé à 1400 m d'altitude, le parking est pour l'instant dans le brouillard. Pierre hésite alors de prendre le drone qui doit servir pour les prises d'images aériennes, car l'engin est assez encombrant. Je décide donc de le convaincre d'emmener l'appareil, je lui explique que je connais bien les habitudes climatiques de la région et le ciel peut se dégager à tout moment, d'autant plus que la météo s'annonce plutôt favorable pour l'après-midi. Enfin, Alexei, accepte de porter le drone. Côté matériel, nous préparons 2 joëlettes, la première est bien entendu destinée à Béa, la seconde à Camille et Corinne, elles peuvent marcher avec assistance mais on préfère prévoir un éventuel coup de fatigue.
Etant de la région, j'ai évidement pour mission de guider le groupe au sommet du Pravouta, mais comme d'habitude Christian me confie également la tâche de réaliser les photos de l'excursion. Vers 11h30, nous démarrons notre ascension. Bien que je sois censé me concentrer à la photographie, je donne un coup de main pour la traction de la joëlette de Béa. Nous atteignons sans encombre et rapidement au Col des Ayes qui est situé entre la Dent de Crolles (sur notre droite) et le Pravouta (sur notre gauche). Nous continuons évidement sur le sentier de gauche en direction du Col de Pravouta, le chemin devient plus étroit et commence à compliquer l'évolution de la joëlette. En revanche, Camille et Corinne prennent de l'avance avec l'aide de leurs porteurs. Je décide donc de rattraper les membres de l'équipe à l'avant, car je crains qu'ils entament l'ascension du sommet sans attendre les autres. Arrivé au Col de Pravouta, je retrouve Linda et Julien qui s'apprêtaient à s'engager sur la crête du Pravouta avec Camille, je leur demande donc de s'arrêter là pour laisser le restant de l'équipe nous rejoindre avec la joëlette.
On m'avertit que la joëlette à de grosses difficultés avec les racines dans le bois de conifère sous le col et qu'ils n'arriveront jamais à passer, je les rassure en disant que Christian et Béa en ont vues bien d'autres. Je redescends donc pour voir ce qui se passe, je retrouve toute l'équipe luttant pour faire avancer la bécane, je profite de prendre des clichés de l'épreuve. Heureusement 2 traileurs de passage, Noémie et Lucien prêtent main forte. Grâce à leur aide nous réussissions à passer ce petit bois, et les derniers lacets avant le col ne posent pas de problèmes particuliers. Christian remercie chaleureusement les 2 trailers avant de les laisser repartir dans leur course. Compte tenu de l'heure un peu avancée nous décidons de déjeuner là sur ce joli coin de montagne à 1700 m d'altitude, recouvert d'agréables pelouses alpines fleuries et parsemées d'épicéa isolés. Pierre profite de ce moment et des premières éclaircies pour réaliser des prises de vue avec le drone, je ne vous cache pas que j'éprouve une satisfaction de l'avoir persuadé de prendre l'appareil et qu'Alexei ne l'ai pas porté pour rien.
Après avoir dégusté le casse-croûte tout en admirant les falaises du versant ouest de la Dent de Crolles, nous nous attaquons à la crête qui mène au point culminant du Pravouta à 1760 m d’attitude.
Corinne, Camille et Béa sur sa joëlette atteignent le sommet sans trop de peine sous un soleil qui est à présent généreux, je prends des photos pour immortaliser cet instant ultime. Pour moi c'est l'accomplissement de 2 années de préparation, j'attendais ce moment avec impatience.
Là-haut, je retrouve une animatrice départementale de l'Espace Naturel Sensible* du Col du Coq qui anime un atelier d'observation des oiseaux. Je l'avais déjà rencontrée 2 semaines plus tôt, lors de ma précédente rando dans le secteur. Je lui demande alors de prendre des clichés de l’ensemble de l'équipe regroupée autour de la croix sommitale du Pravouta. Après cette séance photo je propose au groupe une petite lecture du paysage spectaculaire qui s'offre à nous, je présente la vallée du Grésivaudan qui s'étend à nos pieds, puis tous les principaux sommets de la Chartreuse et de la Chaîne de Belledonne qui nous entourent.
Nous retournons ensuite rapidement au Col de Pravouta où nous avons laissé une partie du matériel. Bonne nouvelle pour les porteurs, nous redescendons vers le Col du Coq sur l'autre versant de la montagne par un chemin nettement plus large et plus facile qui traverse de grandes prairies ondulantes et vertes. Seul un petit ressaut rocheux demande de l'attention pour Camille, Corinne et les joëlettes, mais nous le franchissons sans trop difficulté.
Au cours de la descente, je rejoints Julien et Linda pour les aider à soutenir Camille. C'est l'occasion de faire plus amples connaissance de tous les trois et de barder un peu. De retour au Col du Coq, une pluie toute fine commence à tomber, on se dit qu'on ne pouvait pas faire mieux côté météo. Les joëlettes repliées, nous reprenons rapidement la route. De mon côté je fais un crochet dans le Grésivaudan pour aller chercher mon épouse Fabi et mes filles, Anaïs et Camille (une autre Camille), Christian m'a proposé de les emmener au gîte car il y reste de la place. Nous passons tous une agréable soirée à la Ruche à Gîter avec un bon repas, Camille est enchantée de faire connaissance de ma petite Camille, car je lui en avais parlé lors de la descente du Pravouta. Nous gagnons tous nos chambres sans trop tarder car une autre journée chargée nous attend pour le lendemain.

Dimanche 10 juin, nous rejoignons tous la salle à manger plus tôt que la veille, car Christian aimerait qu'on arrive au Grottes Saint-Christophe au plus tôt, vers 9h00 afin que nous puissions commencer notre excursion avant le début des visites touristiques. Après un agréable petit déjeuner pendant lequel j'échange pas mal avec les collègues du CAF de Nice, nous quittons le gîte sans tarder. Je prends à nouveau la tête du long convoi de voitures avec ma Logan et ma petite famille. Nous arrivons sur place après une petite demi-heure de route. Marion une des guides des grottes nous accueille avec un café pour tous, elle a bien entendu été prévenue de notre expédition. Les animateurs du site commencent à nous connaître, cela fait la 3ème fois qu'ils nous voient Christian, Béa et moi en plus des échanges téléphoniques et courriels. Nous regrettons qu'Alain, le second animateur des grottes avec qui nous avons travaillé pour monter l'opération soit absent.
Les grottes sont constituées de 2 portions distinctes, la partie basse et la partie haute. La grotte basse est une cavité fossile, sauf en cas de crues importantes où l'eau peut circuler au fond. Le plafond est très haut et la galerie est ouverte vers l'extérieur aux 2 extrémités. La sortie débouche sur un grand porche offrant un magnifique panorama sur la large vallée du Guiers Vif façonnée par les glaciers du quaternaire. Cette grotte est entièrement équipée d'une passerelle suspendue qui permet le passage du fauteuil roulant de Béa. A la sortie il y a juste un escalier en colimaçon à franchir. Nous avons opté de parcourir prioritairement cette portion dans le cadre de notre excursion.
La grotte haute, qui est la plus proche de l'accueil, est une cavité plus classique mais encore active, elle est inondée à chaque crue, elle offre quelques concrétions intéressantes. Dans la salle terminale qui a un beau volume, une petite animation son et lumière est proposée.
Après le café et une fois le fauteuil de Béa prêt, nous nous engageons dans un petit canyon aménagé par une ancienne voie romaine qui mène aux 2 grottes. Arrivé à la cavité basse, j'ouvre le portillon et j'active l'éclairage de la galerie avec les clés que Marion m'a confiées, je laisse tout le monde se lancer sur la passerelle avant de refermer derrière nous. L'ensemble du groupe est impressionné par le volume de cette galerie et le panorama du porche final. Tout le monde est ravi notamment Corinne et Camille qui ont cheminé sans encombre sur la passerelle grâce à leurs accompagnateurs. A l'escalier de sortie Christian doit bien entendu porter Béa sur son dos. Une fois que toute l'équipe ait quitté la cavité je veille à bien fermer le portillon derrière nous.
Nous remontons le canyon en direction de l'accueil, par moment 4 coéquipiers sont nécessaires pour porter Béa car la voie romaine n'est pas adaptée pour le fauteuil, d'autant plus que la côte est assez raide par endroit.  Comme la matinée n'est pas trop avancée, nous décidons d'emmener Camille et Corinne découvrir la grotte haute, Marion me confie également la clé de la porte d'entrée de la cavité. Dans la galerie Fabi prend l'initiative de s'occuper de Camille avec Julien, je suis heureux de la voir s'impliquer ainsi dans l'action. Mes 2 filles sont également de la partie avec nous. La traversée de la cavité s'effectue sans difficulté particulière pour Corinne et Camille qui bien entendu sont bien accompagnées. Arrivés dans la salle terminale, le spectacle son et lumière racontant l'histoire de la formation de la grotte nous est offert. Lors du chemin retour, je reste en arrière afin de veiller que personne de l'équipe ne reste dans la cavité, je m'arrête fréquemment pour attendre Pierre qui prend de nombreuses images de la galerie.
Une fois revenu à l'accueil, le moment de se séparer approche malheureusement car les "niçois", à part les Starck qui restent dormir chez moi ce soir, doivent prendre la route pour rentrer sur la Côte d'Azur. Tout le groupe, notamment nos amies en situation de handicap, est ravi du succès de l'excursion même si l'objectif initial pour la joëlette, la Dent de Crolles, n'a pas été réalisé. Mais ce n'est que partie remise car Christian et moi gardons le géant calcaire en vue pour une prochaine opération dans la région. Il faudrait néanmoins choisir un gîte plus proche. A l'automne 2018, j'ai justement participé à un stage du CAF qui se déroulait dans un hébergement tout près du Col du coq. J'espère que lors de cette prochaine entreprise il y aura des membres du CAF Grenoble-Oisans dans l'équipe !

 
Sans oublier la participation de l'Handicaf de Nice et de l'APF Ardèche, je remercie personnellement le Club Alpin Français Grenoble-Oisans et le Comité Départemental Isère FFCAM pour le prêt d'une joëlette, qui a contribué au succès de cette excursion.

Pour plus d'informations sur l'association Handicap Aventure et ses activités, je vous invite à vous rendre sur le site : http://handicapaventure.edicomnet.fr/

* Espaces Naturels Sensibles (ENS) : Sites de protection d'espaces naturels remarquables, gérés par les Conseils Départementaux.

Alexis BORG

Béa montant au Col des Ayes à l'aide de ses porteurs

Béa arrivant au sommet du Pravouat avec ses porteurs

Christian, Camille, Corinne et Béa au sommet du Pravouta

Béa franchissant une clôture avec l'aide de ses porteurs

Corinne, Camille, Christian et Béa à la sortie de la Grotte basse Saint-christophe

Béa remontant à l'accueil de la Grotte Saint-Christiophe avec ses porteurs

Camille, Fabi et Michèle dans la grotte haute de Saint-Christophe