Pas de la Ville, seulement de la montagne

le 1 février 2019 , par Barbara SATRE , 712 vues

« Pas de la Ville, 700 mètres de dénivelés positifs, rendez-vous 8h30 au parking de Botanic ».

Une heure de rendez-vous complaisante pour les noceurs du vendredi, un dénivelé adapté aux éclopés, mais qui va aussi séduire ceux qui testent leur nouveau matériel (comme un split*) et, oh ! Le Vercors... C'est un gentil massif le Vercors. Le Vercors... ce nom évoque des skieurs en knickers et des enfants aux joues roses sur des luges en bois. On ne se méfie pas du Vercors.

Cette sortie cochait donc tous les prérequis pour un guenillage en règle. Ravie de pouvoir enfin en commenter un, je me suis inscrite.

Selon la police...
Le site internet du CAF annonce 6 participants. Bernie, Etienne, Tony, Thomas, Vincent et moi-même. Nous sommes presque le double selon les organisateurs : un bon contingent de surfeurs, quelques skieurs, mais pas de spliteux. Dommage.



Quand nous déboulons sur le parking blanc de Gresse-en-Vercors, la station ronronne déjà, mais aux alentours, les vingt centimètres de fraîche tombée les derniers jours sont encore intacts. La troupe se met tranquillement en route. Etienne et Tony prennent de l'avance sur une piste afin de réaliser les tests arva tandis que Bernie fait patienter les guenilles les plus fougueuses en leur montrant l'itinéraire sur la carte : «On est au niveau du pont, le Pas de Ville est ici, alors on va monter doucement dans la forêt là, il faut donc passer rive droite, ce qui tombe bien puisque Tony et Etienne sont partis... euh, à gauche... ».

Photo: un peu de prospection immobilière

Les tests effectués, nous repartons dans le droit chemin. Le droit chemin est un large sentier blanchi qui grimpe progressivement dans un bois. Les branches chargées d'une neige cotonneuse forment des voutes lumineuses au-dessus de nos têtes. On n'ose rien toucher, comme des gosses dans une boutique de souvenirs. Puis, la forêt s'éclaircit et le paysage se dévoile, aussi immaculé que la page de janvier du calendrier des postes.

Une première guenille est distancée. Un problème de portage, le surf tangue d'un côté et de l'autre, fatiguant sa monture et menaçant peut-être de chuter. C'était sans compter le soutien de Tony qui vient ainsi anéantir mes espoirs de raconter la perte d'un surf et une descente en boots.

Mètre à penser
Pendant ce temps, on se rassemble sur une petite croupe soufflée. Le Pas de la ville apparaît juste au-dessus, une entaille grise dans la barrière du Vercors. Etienne commence alors à expliquer qu'on va s'espacer de 10 mètres, c'est-à-dire qu'on va laisser 10 mètres entre nous, 10 mètres entre chaque skieur, 10 mètres entre chaque surfeur, 10 mètres entre chaque surfeur et skieur. Autrement dit il doit y avoir 10 mètres devant nous et 10 mètres derrière nous. Concrètement, si la personne devant s'arrête, il faut s'arrêter afin de garder ces 10 mètres, et si elle ralentit, il faut ralentir aussi... 10 mètres, le maître dit.


J'ai hésité à demander s'il fallait aussi laisser 10 mètres entre un skieur et un surfeur ou si c'était qu'entre un surfeur et un skieur, mais Etienne était trop près de moi.

Le moment yogi
Malgré les apparences, les « 10 mètres » sont loin d'être une source de stress. Ils peuvent même être le moment yogi de la rando. 10 mètres pour ne pas surcharger un manteau neigeux potentiellement chatouilleux donc 10 mètres où tous les sens sont en éveil, les esprits concentrés. On écoute la montagne, on scrute le blanc, on est suffisamment présent pour sentir la neige sous les peaux et l'air sur la peau. Seul dans son effort mais tous reliés par le fil invisible des 10 Mètres au Cosmos.

Plus de ville
C'est aussi le moment où on peut prendre le temps de regarder du paysage, à la descente, on n'y pense plus. D'autant plus, qu'il est grandiose à présent. Les crêtes nous observent et derrière elles, le ciel est lourd, des nuages s'amoncellent au nord, ce qui leur revêt un aspect dramatique. Je me fais la réflexion qu'on ne voit pas Grenoble, la ville doit être loin derrière les lignes enneigées, c'est comme si elle n'existait plus. Pas de ville, plus de la ville, seulement de la montagne.

Mais un autre spectacle attire le regard. Juste sous la sortie du couloir qui, semble-t-il , a été glacée par le vent, Vincent en ski et sans couteau, semble exécuter une chorégraphie. On pense tous à Brian Joubert aux Jeux Olympiques 2010 à Vancouver. Vincent finit par passer (reste cependant le programme court à la descente)

Puis les flancs poudrés du Grand Veymont surgissent à gauche, on est au Pas de la Ville.

Deux surfeurs postés là dans leur vestes color block semblent nous observer. Ils avaient tenté de se cacher derrière la corniche, mais Etienne les avait surpris alors ils s'étaient immobilisés. Au bout de plusieurs minutes, le premier lance : « vous êtes un groupe ? », « Oui, on est du CAF, la section surf rando, les Guenilles», explique Etienne. Son acolyte gémit en entendant ces mots. « Euh... vous pourrez dire à notre copain qu'on est parti ? » répond le premier d'une voix méfiante. « Ah mais attend, il est juste là », «Non, non, on y va.. », « Vous pouvez nous rejoindre si vous voulez, on accueille tout le monde!». Les deux surfeurs ne semblaient pas l'écouter, occupés à serrer frénétiquement leurs fixations. «On est tous les jeudis soir au CAF GO, si vous voulez nous voir», mais les deux surfeurs s'étaient déjà enfuits. On n'a jamais revu leur partenaire, il a dû s'échapper par la face ouest.

Grâce au vent et aux températures négatives, il n'y a pas eu de problèmes de fixation ou de fermeture éclair coincées : tout le monde était prêt en 4 minutes.

Passer la petite section en neige dur, la descente ne fut que neige bien poudreuse et neige assez poudreuse.

Photo : Ca ressemble à un guenillage, ça les caractéristiques d'un guenillage mais ce n'est pas un guenillage. Il s'agit d'une « optimisation d'itinéraire ».

Oui, la descente est passée aussi vite que le temps qu'il vous a fallu pour lire les deux dernières lignes.
Pour faire durer le plaisir, les encadrants avaient prévu un exercice de recherche arva. Exercice finalement exécuté sans difficulté : les arvas planqués avaient bien été allumés.


Moralité : ce jour-là, pour avoir la classe il fallait être une guenille.

 

 

 

 

 

 

 

 

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