Récit d'un séjour froid et intense d'alpinisme hivernal dans le Cantal !

le 16 avril 2023 , par Arnaud PASQUER , 751 vues

24 Janvier soir, nous quittons le Cantal avec mes deux compagnons de route, Josselin et Julie. Il est 20h, on a 4h devant nous pour raconter ces 6 derniers jours.

EDIT : on a discuté de tout sauf du compte-rendu… D’où la publication de cet article alors que l’hiver est presque terminé ! Oups…

Retour sur ce stage d'alpi hivernal, encadré par Arnaud Pasquer et Natalia Kostareva, du 18 au 24 janvier 2023.

Petite présentation succincte des participant.es :

Arnaud, notre encadrant pour cette semaine et responsable alpinisme au CAFGO, alpiniste aux 1001 anecdotes (grâce à nous il pourra rajouter à sa liste comment il a failli faire brûler la cuisine dès le premier soir)

Natalia, co-encadrante, d’une grande efficacité et d’une encore plus grande patience, véritable force tranquille aux 1001 astuces (elle m’a notamment appris à faire mes lacets, véridique !*)

Josselin, chanteur d’un groupe punk à ses heures perdues**, et doté d’une soif d’apprendre semble-t-il insatiable !

Francis, alpiniste dans ses jeunes années et pris dans le tourbillon de la vie par la suite. 2023 signe son grand retour ! (et il était à Champollion avec Jean-Marc Rochette !!!)

Kevin, infatigable et dévoué, il a préféré renoncer à l’excursion hammam pour aller faire du repérage dans la neige et le froid pour l’initiation cascades de glace du lendemain. C’est beau !

Lydia, n’aime pas les raquettes (ça tombait bien), mais globalement aime tout le reste : sourires et enthousiasme visiblement illimités (y compris après 4h d’approche dans 60cm de neige fraiche et des glaçons sur les sourcils en plein jour blanc)

Julie, qui a relevé avec brio (et avec le sourire !) son défi personnel d’une semaine par -10° dans le Cantal, tout en étant hypersensible… au froid. (On était tous extrêmement jaloux de sa bouillote dans notre cabane non chauffée des 2 dernières nuits…)

Et moi, Valentine, ravie de cette semaine et de ce chouette groupe. Contente aussi d’avoir découvert le Cantal en hiver et les petites engelures aux orteils (non ça c’est pas vrai, j’ai pas trop aimé)

* la fameuse technique des lacets, c’est par ici : https://www.youtube.com/watch?v=unN02quG1z8

** c’est pas pour faire de la pub mais son groupe s’appelle Taulard, et ils font des concerts sur Grenoble régulièrement, et nous on aime beaucoup !!!

cafgo finfJour 1 – mercredi matin : direction Massif Central !
Rdv 8h30 sur le parking de l'anneau de vitesse, check oral rapide du matos pour être sûr de n'avoir rien oublié d'essentiel avant les 500km qui nous attendent, on se dit que c’est trop tard pour revenir sur le choix supprimé de prendre les raquettes (détail important !), et on prend la route.
Une semaine plus tôt, lors de notre réunion au club pour se rencontrer et discuter des détails du séjour, alors que les cantalous et cantaloutes désespéraient de voir arriver l’hiver, Francis nous confiait faire des danses de la neige tous les jours pour maximiser nos chances ! Efficace au-delà des espérances. Le Cantal n'avait pas connu autant de neige depuis des années. Merci Francis ! Ce stage hivernal promet d'être... Hivernal !

Arrivée à destination en début d'après-midi, il fait beau, décor de cinéma, pas de doute, la neige est bien là. On s'approprie tranquillement nos quartiers au gîte communal de la petite commune de Dienne. Petits exercices dans le jardin à base de rappels DVA et briefing de la semaine au chaud : nos attentes, nos appréhensions, les options de courses qui s’offrent à nous pour la semaine, la météo, … Bref, une sorte de grande CSV à l’échelle de la semaine.
Ce même soir, on apprend justement ce qu’est une « CSV », pour préparer notre sortie du lendemain : Cartographie Systémique des Vigilances.

L’idée globale : choisir une course et balayer – ensemble – et de façon exhaustive, les différents points auxquels il s’agira d’être vigilant.es. L’objectif de la sortie, le rétroplanning horaire en fonction de l’heure max d’arrivée à la destination envisagée, pour déduire l’heure min de départ du parking, l’itinéraire, segmenté selon le degré de vigilance à avoir, les forces et faiblesses de chacun et chacune, la météo, les conditions d’enneigement, les risques associés (à noter qu’il n’y a pas de BERA dans le Massif Central !), les biais humains, quels sont les numéros à appeler en cas d’urgence, quelles informations donner, quel matos emporter, quelles cordées, quel point de décision à quel endroit du parcours, quel plan B, voire quel plan C, etc, etc… Préparation essentielle à faire ensemble, pour bien visualiser la course dans sa globalité, pour vérifier que le groupe est sur la même longueur d’onde, pour se compléter, et surtout pour s’approprier la sortie. C’est important d’avoir un leader désigné, mais ça ne veut en aucun cas dire qu’il ou elle doit tout gérer. En bref, nous sommes chacun et chacune d’abord responsable de nous-mêmes, et donc de la sortie à laquelle on participe. Et quand il s’agit d’un stage ou d’une sortie quelconque avec des personnes plus expérimentées que nous, c’est souvent tentant de s’appuyer sur les autres, de se laisser porter. L’objectif de cette semaine d’alpi hivernal, c’était aussi de progresser sur ce point : être acteur/actrice de la sortie, en amont et pendant.

Responsable de nous-même donc ! Mais on est aussi responsable des autres. Et je me souviens qu’Arnaud a mis l’accent là-dessus dès le premier soir. Cette semaine sera aussi l’occasion d’être particulièrement attentif aux autres membres du groupe, aux signes de fatigue, de stress, de froid... pas forcément formulés puisque pour la plupart, on se rencontre tous et toutes pour la première fois, et les conditions s’annoncent particulièrement rudes.

cafgo 1cafgo 3cafgo 6IMG 1724IMG 1690Jour 2 – jeudi : Arête Emmanuel Bon

Réveil 6h45. Objectif de la journée, une petite arête sans grande difficulté, parfait pour commencer la semaine, faire des révisions, apprendre à se connaître. On part du parking de Lioran, direction le refuge de Meije Costes, par la forêt. On avait appelé le gardien la veille pour avoir des infos sur les conditions. Pas de soucis pour faire l’arête, d’ailleurs quelqu’un y était passé la veille, par contre il y a beaucoup de neige sur l’approche et… « quoi ? vous n’avez ni skis ni raquettes ?? ». Pas de raquettes, certes, mais des cuisses et de la détermination, beaucoup. Le choix ? Pas trop. Voilà comment donc, après une petite pause à côté du refuge pour une session révision d’encordement et de relais sur corps mort avec piolet ou ancre à neige, nous avons commencé les choses sérieuses. À savoir : l’art de se prendre pour des sangliers ! Dans le jargon, on dit « brasser », avec de la neige parfois jusqu’aux hanches. Et autant s’y habituer tout de suite, parce que c’est au menu toute la semaine. C’était intéressant de voir comment on s’est organisé au fil des jours, comment on a gagné en efficacité, pour progresser plus rapidement tout en s’épuisant moins. Côté températures, les prévisions météo annonçaient ressenti -8°, ce dont je ne doute absolument pas compte tenu de mes mains complètement transies. Je me promets à moi-même que la première chose dans laquelle j’investis en rentrant, c’est une paire de moufles (précisément, j’ai cette révélation quand Natalia vole à mon secours en me prêtant ses moufles -30°C, moment inoubliable de mon séjour).

Arrivée au col de Rombière avec étonnamment peu de retard sur nos prévisions, un (bref) rayon de soleil pour la photo, et c’est le moment de s’encorder, mettre les crampons, le piolet remplace les bâtons. L’arête n’est pas très longue mais permet de mettre ou remettre en place quelques automatismes, on utilise quelques becquets, on pose quelques coinceurs, et on termine par un petit rappel.

Retour au gîte pour débriefer de ce premier jour, avec comme consigne d’Arnaud de se prêter à l’exercice de l’auto-critique : « aujourd’hui, où est-ce que j’ai merdé ? ». Sachant qu’à priori même un ou une grande alpiniste peut trouver à chacune de ses courses quelque chose à redire.

Et globalement les jours se suivent et se ressemblent. Conditions très hivernales, du vent, de la neige, le froid… Mais des bonnes sorties et l’enthousiasme ne quitte pas le groupe. Soir après soir, les titres de sangliers d'or pleuvent. Tous les jours on brasse bien, et tous les soirs on dort bien, du coup.

CouvertureAlpiHivernalJour 3 - vendredi : Puy Griou, depuis les Chazes. Arête Ouest (PD), 100m. Le soleil en prime au sommet (la seule fois de la semaine), royal.

Jour 4 – samedi : Roc brin, arête Est. Sortie bien intense puisqu’encore une fois des conditions bien rudes. L’arête est plus longue cette fois, avec un ou deux passages un peu techniques, très sympas (facile à dire, je suis en seconde ce jour-là !). Réunion au sommet, pour aviser de l’itinéraire de descente. Concrètement, on ne voit rien, c’est jour blanc. Vent, neige, ambiance tempête. On s’active pour descendre de là rapidement (un peu frustrée de n’avoir pas eu le temps d’immortaliser la stalactite sur le nez de Francis…). Descente assez mémorable dans la forêt avec les arbres bien chargés de neige, c’est vraiment très beau, chouette récompense de nos efforts.

IMG 1760Jours 5, 6 et 7 : Les jours suivants sont consacrés à l’initiation cascade de glace. L’hiver ayant été tardif, on a attendu au maximum que les cascades se forment. Le jour 5 est dédié à rejoindre notre palace pour les 2 prochains jours : le buron d’Eylac. L’approche est plus tranquille pour certains que pour certaines, puisque les certains ont filé en douce leurs sacs au gardien qui montait en moto-neige., preuve à l’appui. Pas de soucis, on reconnait bien là ceux qui commencent à fatiguer, et celles à qui une semaine dans le Cantal ne fait pas peur. Bon comme on n’a rien à prouver, on n’accepte quand même volontiers d’échanger à la moitié 😉  

On découvre tranquillement notre spacieux dortoir 20 places haut de plafond (non chauffé sinon c’est pas drôle), et notre salle à manger que l’on pourrait qualifier de… sobre : une table, deux bancs, une petite cheminée.

Mission repérage pour trouver des cascades disposées à se faire escalader. Comme d’hab, on brasse, on a froid et le sourire à la fois. Les pentes sont bien chargées mais on garde entre nous systématiquement des grosses distances de sécurité. Peu concluant, on reviendra le lendemain. Certains repèrent du bas la cascade du lendemain, d’autres filent..au hammam ! 

Lendemain deux groupes qui tournent : cascade de glace en moulinette depuis des relais dans les arbres du haut, et ascension du Puy Mary. Retour de nuit à la voiture, et retour sur Grenoble, fatigués mais heureux de cette semaine !

C'est important d'avoir un.e leader, pendant une sortie. C'est précieux que ce ou cette leader sache ne pas garder cette posture de leader en dehors de la sortie. Pour ça il faut une bonne dose d'humilité. Merci Arnaud et Natalia.

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